Violette de Martin Provost
Simone théorise, conceptualise, Violette
« crache » sa douleur, accouche de ses manques, de sa violence et des
violences qui lui ont été faites sur des cahiers d’écolier qu’elle
remplit de ses mots/maux à l’encre… violette.
Violette en grattant les coins de sa mémoire (ne
disait-elle pas qu’elle était le « tampon Jex » de la littérature ?), en
racontant absolument tout de son histoire douloureuse à une époque où
on leur demandait de se taire, dit la réalité des femmes du début du XXème.
Son écriture vient de son corps que son intelligence mâtine de poésie. Violette est un très grand écrivain dont il y a fort à parier que si elle n’avait pas rencontré Simone de Beauvoir, elle n’aurait pas accouché de l’œuvre magistrale qui est la sienne.
Mais, si Simone n’avait pas rencontré Violette Leduc, peut-être n’aurait elle pas aussi bien su écrire le Deuxième Sexe… Simone de Beauvoir a porté (souvent à bouts de bras) l’auteur de L’affamée,
supporté les emportements de Violette, ses doutes, sa violence, sa
détestation d’elle-même. Et si Violette est arrivée à une forme de paix
(très belle dernière image de l’auteur apaisé à Faucon) et a vu son œuvre reconnue à partir de Ravages puis de La Bâtarde, c’est grâce au soutien moral mais aussi financier de Simone de Beauvoir.
Emmanuelle Devos
est de tous les plans, elle ne joue pas Violette, elle l’incarne,
prouvant une fois de plus et s’il était nécessaire la très grande
comédienne qu’elle est. Quant à Sandrine Kiberlain,
elle ose être Simone de Beauvoir, pari extrêmement osé car si nous
sommes peu à avoir une représentation de Violette, en revanche nous en
avons toutes une de Simone de Beauvoir.
Sandrine Kiberlain (qui vient de nous faire beaucoup rire dans l’excellente comédie d’Albert Dupontel Neuf mois ferme),
relève avec élégance le défi et donne à son personnage une densité
profonde d’autant plus palpable que l’actrice ne cherche à aucun moment à
surjouer la philosophe, mais au contraire à la servir.
Si l’on
peut reprocher au réalisateur une manière de filmer définitivement trop
académique, en revanche il faut saluer la beauté des plans
magnifiquement éclairés par son chef opérateur. Le film vaut pour
l’interprétation magistrale des deux actrices et pour ce personnage de
Violette auquel nous nous attachons d’emblée, comme nous nous étions
attachées à Séraphine (Yolande Moreau) constatant que les points communs, entre ces deux destins de femmes exceptionnelles, sont nombreux.